Peut-être avez vous passer cette publicité dans votre fil Facebook. Thierry Casasnovas y fait la promotion de son magazine Régénère. Dans une autre publication, il en publie un extrait … en citant les sources ! Une bonne occasion pour nous de nous y plonger et de voir ce qu’il comprend des publications scientifiques qu’il utilise.
En ce moment, il fait froid. Thierry Casasnovas a donc décidé, comme l’année dernière, et l’année d’avant d’ailleurs, de faire une série de vidéos sur « les bienfaits du froid ». S’appuyant sur le nouveau numéro de son magazine qu’il promeut à grand renfort de vidéos et de publicités ciblées sur les réseaux sociaux ; il déroule un argumentaire autour de l’hormèse, « principe » qu’il prône à longueur d’année.
Il publie également des extraits de son magazine, avec des références scientifiques ! Fort heureusement pour nous car, dans sa dernière vidéo, il avait beau annoncer les mettre en description, on les cherche encore…
Alors penchons-nous encore une fois sur l’utilisation de la science par le magazine Regenere, avec ce dernier exemple en date.
D’abord, on notera que les rédacteurs ne savent manifestement pas comment on cite un article scientifique. Ou ont décidé de ne pas s’embarrasser avec ça. C’est tout de même dommage pour des personnes qui disent avoir lu tant d’études et bien “sourcer” leurs propos. En même temps, pour mieux appréhender les codes de la citation scientifique, il faudrait déjà aller un peu plus loin que le résumé… En gros, on cite généralement au moins les auteurs de l’étude, et pour permettre à ses lecteurs de retrouver plus facilement ladite référence, on ajoute aussi l’année de publication et le journal. C’est chiant, mais c’est pour respecter le travail des auteurs, et faciliter la lecture, bref, c’est la base.
Mais passons.
Première étude ! [https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10751106/]
Les rédacteurs du magazine RGNR déduisent de cette publication que « à durée égale une immersion, dans une eau à 20°C ne permet pas l’activation de la libération de noradrénaline, contrairement à une immersion dans une eau à 14°C ».
Mais qu’en est-il vraiment ?
D’abord, il faut regarder le protocole mis en place : on parle ici d’une expérience menée sur 10 jeunes hommes dans la vingtaine et sans problème de santé. Il serait un peu présomptueux, déjà, de conclure que ça marche pour tout le monde, et donc que ça rentre dans une « loi du vivant ». Et on ne peut feindre de l’ignorer, même en ne lisant que le résumé, puisque c’est bien précisé par les auteurs eux-mêmes.
Continuons la lecture. Les 10 jeunes hommes ont donc été immergés 1h, dans de l’eau à 32°C, 20°C et 14°C, assis sur un siège, et plusieurs mesures ont été effectuées (rythme cardiaque, pressions artérielles etc.) mais ce qui intéresse le magazine aujourd’hui, c’est la concentration en noradrénaline.
Petit point endocrinologie : la noradrénaline est une catécholamine qui stimule la sécrétion d’aldostérone. Elle peut également être appelée la norépinéphrine, et elle a 2 copines dans ce groupe des catécholamines, l’adrénaline (épinéphrine) et la dopamine.
Bien, passons aux résultats (on ne relèvera pas le faible poids statistique flagrant qui empêche les comparaisons entre les groupes expérimentaux d’avoir une quelconque significativité).
On nous dit que la noradrénaline augmente dans le bain à 14°C. Ah, par contre, on ne sait pas pour les autres températures, c’est gênant. Et pourquoi ça augmente ? D’après les auteurs, à cause de la stimulation de la thermogénèse et surtout le changement de rythme cardiaque.
On note par contre que la production de noradrénaline continue d’augmenter pendant toute la phase d’immersion : après une heure de bain froid, elle n’a toujours pas atteint un plateau. Elle ne diminue qu’après la sortie de l’eau. (Fig.5 de la publication, ci-dessous).
Et c’est là qu’on va passer à la 2° étude citée en exemple [https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00365510701516350]
Ah ! Une étude presque récente, ça s’améliore. Voyons ce que les rédacteurs du magazine en déduisent : « cette étude conclut qu’il y a augmentation de la noradrénaline dans les 2 cas (on détaillera après, ndla), et cette production ne semble pas diminuer avec l’habituation du corps au froid. »
Question protocole, on double le nombre de participants pour atteindre 20, des femmes cette fois, sur lesquelles on mesure différentes hormones pendant l’expérience. Toutes sont bien évidemment en bonne santé, et âgées de moins de 50 ans. Elles vont supporter une exposition très courte (20s ou 2min) à de l’eau glaciale (< 2°C) ou à de l’air froid (-110°C), respectivement.
Attention, ici ils appellent la noradrénaline « norépinephrine ». Pour des raisons de clarté, nous on va garder noradrénaline.
Les résultats sont clairs, que vous ayez décidé de vous exposer à l’eau glaciale ou à l’air froid, on verra un pic de noradrénaline. Et ceci, chaque semaine, même après 12 semaines contenant chacune 3 expositions courtes (Fig.2 de la publication, ci-dessous).
Qu’en disent les auteurs ? D’abord que se tremper dans de l’eau glacée ne provoque pas d’habituation quand on ne s’expose que peu de temps, même de façon répétée.
Et surtout, ils rappellent qu’ils ont testé sur des personnes en bonne santé, et que rien ne prouve qu’on retrouverait les mêmes effets chez des personnes affaiblies ou souffrantes de diverses pathologies.
Résumons : une exposition longue à l’eau un peu froide, comme une exposition courte, à l’air ou à l’eau très froides, semble provoquer une augmentation de la noradrénaline, et surtout, on ne s’y habituerait pas, ni pendant l’exposition, ni au cours de différentes expositions.
Mais alors attendez, la loi de l’hormèse, selon Thierry Casasnovas, c’est pourtant d’augmenter sa capacité adaptative par l’exposition à des stress courts (comme le froid) ? Et ladite loi justifierait donc de prendre des douches ou des bains glacés pour renforcer son organisme… Or, au contraire, ces deux sources précisent bien que les bains froids ou les douches froides n’élargissent pas la “capacité adaptative” des individus.
Doit-on en conclure alors, comme écrit dans le magazine RGNR, que, premièrement, « cette observation (de la 1° étude, ndla) confirme donc que l’intensité joue un rôle clé dans l’application de la loi de l’hormèse » et que, deuxièmement, « cette seconde observation confirme qu’une durée d’exposition plus longue n’apportera pas de bénéfice supplémentaire dans l’application de la loi de l’hormèse »
D’abord, c’est évident, une eau à 20°C n’est pas un stress, elle se rapproche même de ce que les auteurs appellent une « température neutre ». La première étude ne compare donc absolument pas des « intensités » de stress.
Ensuite, si comme le dit le magazine, le renforcement se mesure avec la production de noradrénaline, alors clairement, il vaudrait mieux rester longtemps dans 14°C que peu de temps dans 2°C! Car pendant 1, 2 voire 3 heures de bain, on en produirait un max en cumulé de l’hormone! Une durée d’exposition plus longue libèrera plus d’hormone et donc, apportera un bénéfice plus important dans la prétendue « loi de l’hormèse ». A moins que leur but réel ne soit de faire un pic de stress? Nous y reviendrons…
Difficile de tirer une quelconque recommandation de ces deux études car trop de paramètres varient : durée d’exposition, température, sexe des personnes testées. Impossible de tirer une « loi du vivant » de tout ça.
On pourrait nous rétorquer: « ah mais plonge toi dans l’eau glacée longtemps », sauf que bon, là, en général, on meurt.
En résumé, ces deux études prouvent surtout que la formulation de la loi de l’hormèse par l’exposition au froid selon Thierry Casasnovas est inexacte. Les propres sources de son magazine réfutent ses propos. C’est fort.
Maintenant un point science tout de même :
L’exposition au froid peut permettre de diminuer la douleur, notamment grâce à la libération de certaines hormones, l’analgésie provoquée et à la vasoconstriction induite. Ce n’est pas pour rien si on met des poches de froid sur les bobos. C’est d’ailleurs ce qui est conseillé par la plupart des reviews médicales sur le sujet : une exposition hyper locale pour diminuer la douleur.
Par contre, l’exposition du corps entier en immersion dans de l’eau vraiment froide peut provoquer une hyperventilation, une tachycardie, voir une perte de conscience due au phénomène d’hypothermie et, potentiellement, la mort. Parfois même des réactions allergiques ! 2,3 Ce n’est pas pour rien si les études sont faites sur des personnes en parfaite santé!
En bref… vous trouverez ici un résumé objectif des bénéfices et des risques, on vous laisse faire la balance.
REFERENCES :
1. Lee DY, Kim E, Choi MH. Technical and clinical aspects of cortisol as a biochemical marker of chronic stress. BMB Rep. 2015;48(4):209-216. doi:10.5483/bmbrep.2015.48.4.275
2. Wilcock, I. M., Cronin, J. B., & Hing, W. A. (2006). Physiological response to water immersion. Sports medicine, 36(9), 747-765.
3. An, J., Lee, I., & Yi, Y. (2019). The thermal effects of water immersion on health outcomes: an integrative review. International journal of environmental research and public health, 16(7), 1280.
4. Tipton, M. J., Collier, N., Massey, H., Corbett, J., & Harper, M. (2017). Cold water immersion: kill or cure?. Experimental physiology, 102(11), 1335-1355.
5. Shattock, M. J., & Tipton, M. J. (2012). ‘Autonomic conflict’: a different way to die during cold water immersion?. The Journal of physiology, 590(14), 3219-3230.
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