Depuis quelques années, Thierry Casasnovas utilise des publications scientifiques pour valider ses propos. On le sait, il parle bien anglais, le comprend sans problème, il dit avoir fait des études scientifiques, il n’a donc objectivement aucune raison de ne pas les utiliser, n’est-ce pas ? Ça peut paraître anecdotique et pourtant, utiliser la science pour appuyer la légitimité de ses propos, notamment face à des personnes qui n’y ont pas forcément accès, ça implique d’être une personne de confiance. Seulement voilà, encore faudrait-il non seulement les lire, ces publications, et ne pas juste s’arrêter à leurs résumés voire à leurs titres, mais surtout éviter de leur faire dire n’importe quoi. Ça serait quand même sacrément malhonnête et même carrément dangereux, non ? Pourquoi dangereux ? Parce que si l’étude scientifique se révèle être en contradiction avec le discours tenu, alors ce dernier peut mener à la mise en danger des personnes qui écoutent. Voici quelques exemples, pris au hasard.
L’impact du stress et de l’état des intestins sur l’immunité
Passons sur la première publication qui concerne les saumons d’élevage hein…
Ce qu’il en dit : oui le stress, l’exposition à un stress répété, l’inquiétude, la peur, la violence, la colère, tout ça a tendance à détruire notre perméabilité de notre barrière intestinale, à augmenter notre perméabilité intestinal et donc, de fait, à faire chuter notre immunité. S’ensuit un discours spirituel qu’on ne commentera pas.
Ce que dit l’étude en question : un stress court et aigu augmente la perméabilité intestinale et le stress chronique a des effets dé-régulateurs sur le système immunitaire. Le mode de vie occidental, également, peut modifier la flore bactérienne intestinale, notamment dans le cadre d’un régime riche en gras et en sucre (carbohydrate). Les auteurs notent par ailleurs que la perméabilité intestinale est augmentée aussi par la consommation d’alcool, de gluten, et… le sport ! Enfin, l’endotoxémie (la circulation de toxines dans le corps) provoquée par ces stress est évoquée comme un facteur de risque de maladies chroniques, et peut-être une cause.
Ce qu’il en dit : les mauvais choix alimentaires induisent un stress dans l’organisme. Et qu’est-ce qu’ils appellent mauvais choix alimentaires ? C’est une alimentation de faible qualité, on peut imaginer faible en micronutriments, contenant énormément de sucre raffiné et de graisse trans, c’est ce qui est marqué dans l’étude. C’est l’alimentation moderne telle qu’on nous la vend, elle cause un stress dans l’organisme qui prouve que nous ne sommes pas faits pour celle-ci.
Ce que dit la publication : en fait, ils ont classé les aliments en 2 groupes : fruits, légumes, poisson, céréales complètes et noix, haute qualité VS viande, junk food, soda, friture et sucre, basse qualité. Pourquoi la viande ? Parce que l’étude concerne des diabétiques de type 2, et les auteurs émettent l’hypothèse que le cortisol, combiné au diabète lui-même, provoque les mauvais choix alimentaires, et non l’inverse.
Pourquoi c’est dangereux : la première étude est en totale contradiction avec le principe de l’hormèse (un stress court et intense augmente sa capacité adaptative), cher à Thierry Casasnovas, puisqu’elle mène, d’après les auteurs, à une perméabilité intestinale et est un facteur de risque de maladie chronique. La 2e étude, quant à elle, montre bien que le régime majoritairement crudivore végétarien n’a strictement rien à voir avec ce qui est appelé “haute qualité”. Par conséquent, Thierry Casasnovas a longtemps prôné un régime alimentaire excluant des aliments catégorisés en « haute qualité » que sont le poisson, les céréales complètes, etc.
Le jeûne & la ménopause
A-t-il seulement lu le titre ? Il parle de femmes ménopausées, et montre une étude sur les rats mâles…
Prenons plutôt celles sur le jeûne et les effets psychologiques.
Ce qu’il en dit : alors les troubles de l’humeur, je vais vous citer quelques études, 1, 2, 3 par exemple, à quel point la dépression, les troubles de l’humeur et le jeûne c’est quelque chose qui est fortement fortement étudié et c’est quelque chose sur lequel on a maintenant beaucoup de littérature. Et puis bon, on n’a pas besoin d’études scientifiques pour penser par nous-mêmes. Boost des hormones surrénaliennes, diminution de l’inflammation, normalisation des facteurs dans le corps, automatiquement des symptômes tels que la dépression et les troubles de l’humeur vont s’en trouver améliorés, c’est ce qu’on constate avec le jeûne, en particulier avec le jeûne court, le jeûne hormétique comme je l’appelle, le jeûne de stimulation, et c’est ce que ces études viennent confirmer.
Ce que dit la publication : d’abord elle dit qu’il y a très peu d’études sur les conséquences psychologiques du jeûne, ça démarre bien. L’étude s’est faite sur des femmes (enfin!) mais plutôt jeunes (oups). Les auteurs y ont mesuré que les participantes étaient plus affamées (sic), plus irritables mais étaient plus fières d’elles à la fin du jeûne et avaient un meilleur self-control. Leurs conclusions soutiennent que le jeûne augmente les symptômes dépressifs tels que l’irritabilité, la baisse de libido et le changement d’humeur.
Ce que dit la publication : les auteurs parlent de jeûne thérapeutique sous contrôle médical, avec une diminution des apports caloriques à ~800 cal / j pendant 2 jours, sous forme de fruits, pommes de terre et riz, avec 2 à 3 L de boisson, de l’eau, du thé ou du jus de fruits. Par ailleurs, ils en profitent pour rappeler les contre-indications au jeûne (exclusion faite du jeûne intermittent) : troubles alimentaires, IMC < 20 ou > 40, maladies rénales et hépatiques, ulcères gastriques, co-morbidités incluant cancer, médication immunosuppressive, alcoolisme, psychose, grossesse et lactation, perte de poids inexpliquée et prise de diurétiques. Après avoir essayé de faire une méta-analyse, rendue compliquée par l’hétérogénéité des études, ils concluent “il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de conclure que le jeûne améliore significativement l’humeur”.
La 3e est évidemment du même acabit…
Pourquoi c’est dangereux : nul besoin d’épiloguer, les 2 études sont en totale contradiction avec la méthode RGNR : le jeûne peut être dangereux pour des personnes dépressives, et a de nombreuses contre-indications. Non, tout le monde ne peut pas jeûner, et il est grave de le faire croire quand on voit la longue liste de pathologies qui pourraient être aggravées par cette pratique.
La nourriture transformée c’est le mal
Ce qu’il en dit : le sucre raffiné par exemple, le caractère délétère du sucre raffiné on commence à en entendre de plus en plus. Ce qu’il faut vraiment entendre c’est que le sucre raffiné a un caractère hautement addictif. Quand on parle de fructose ça sonne bien. Le problème c’est que le fructose que tu vas trouver dans le fruit et le fructose qui va être utilisé pour l’alimentation transformée n’a rien à voir.
Ce que dit la publication : elle ne parle absolument pas de sucre raffiné, mais bien de tous les sucres, y compris ceux contenus dans les jus de fruits… En fait, les auteurs ont balayé l’implication du glucose, du fructose, et de l’éthanol dans le syndrome métabolique, puis se sont concentrés sur le fructose. Ils en concluent ce tableau qui montrent toutes les pathologies résultantes, entre autres, de l’exposition chronique au fructose : hypertension, obésité, malnutrition, problème hépatique etc.
Pourquoi c’est dangereux : la publication montre la gravité de la consommation de fructose. Le fructose qu’on retrouve dans les jus. Et surtout quand on en consomme de manière chronique. Rappelez-moi déjà qui prône le fait de boire des jus EN PLUS de ses repas ? Oui, la consommation de jus incluant des fruits tout au long de la journée, comme encensée dans la méthode RGNR, expose les personnes à de multiples maladies graves, allant de l’addiction à l’infarctus de myocarde. Rappelons qu’il est censé avoir lu l’étude et donc être parfaitement conscient qu’elle parle du fructose des fruits, puisqu’il dit lui même que “les SUCRES […] vont induire des effets addictifs très très importants”.
Le cancer et la chimiothérapie
Ce qu’il en dit : la chimiothérapie non seulement ne guérit pas le cancer, mais en plus y a une étude là, récemment faite. Mais une étude récente que je vous afficherai à l’écran, une étude récente de juin 2012, prouve que les traitements, chimiothérapie, radiothérapie, amènent une résistance à la chimiothérapie et à la radiothérapie, et mieux que ça, amènent au développement de microtumeurs cancéreuses dans la zone périphérique qui est traitée […].
Ce que dit la publication : déjà elle ne parle que d’un cas particulier de cancer de la prostate. La résistance de la tumeur cancéreuse aux produits de chimiothérapie, comme l’écrivent les auteurs, explique pourquoi on utilise soit des cycles de chimiothérapie (et non en continu) et/ou l’alternance chimio/radiothérapie. Les 2 produits de chimiothérapie utilisés dans l’étude ont un impact sur l’environnement tumoral (c’est-à-dire les cellules déjà associées à la tumeur mais elles-mêmes non cancéreuses) et tendent à faire migrer le cancer dans cette zone-là. Seulement voilà, les auteurs soulignent aussi que c’est pour ça qu’on utilise la chimiothérapie ET la radiothérapie, et surtout, ces 2 produits sont des traitements donnés contre les cancers de la prostate résistants ou déjà métastasés, donc des cas marginaux.
Pourquoi c’est dangereux : utiliser un cas marginal pour faire une généralité sur toutes les chimiothérapies, c’est malhonnête. En lisant juste le titre, il savait que l’étude ne s’adressait qu’au cancer de la prostate, donc il n’y a aucune excuse. Pire encore, Thierry Casasnovas en profite pour dire ouvertement que la chimiothérapie et la radiothérapie développent le cancer. En écoutant son discours, on ne peut que s’imaginer la réaction d’une personne qui vient d’apprendre son cancer, évidemment, ça sera au mieux une défiance envers le traitement, au pire un refus.
Si vous êtes arrivé jusqu’ici de votre lecture, bravo, on va finir par le pire avec sa vidéo sur le cancer des enfants sous laquelle on peut lire :
La publication citée, c’est celle là https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1500128/ , disponible ici http://www.indianpediatrics.net/june1992/709.pdf .
Dès l’intro, on sent que Thierry Casasnovas oublie de dire que sans chimio, 60 % des enfants atteints de ce type de leucémie mourraient dans les 3 à 6 mois. Foudroyante, glaçante information, et pourtant totalement occultée dans discours. La publication fait état du suivi de 287 enfants entre 1982 et 1989 diagnostiqués comme souffrant de leucémie lymphoblastique aiguë et donc traités par chimiothérapie. Les auteurs ont proposé 3 types de protocoles mais l’objet de l’étude est la cause des décès des enfants pendant les 7 ans de suivi. Les résultats sont clairs : 55 (soit < 20%) enfants sont malheureusement décédés de LEUCEMIE LYMPHOBLASTIQUE pendant l’étude. 9 % d’entre eux sont morts de cause non identifiable, 28 % de causes multiples, 62 % de cause unique, et les auteurs concluent avec l’importance de complémenter la chimio avec des agents anti-infectieux, antibiotiques notamment, qui permettraient de diminuer les décès infantiles au cours du traitement sur ce type de leucémie. Vu le grand âge de l’étude, on ne peut qu’espérer que c’est désormais le cas.
Maintenant, prenez le temps de relire la capture juste au-dessus.
Et voici ce qu’il dit de cette publication :
Ce qu’il en dit : je te cite une étude dans laquelle on a fait 250 enfants leucémiques. Sur ces 250 enfants leucémiques, 55 sont morts et sur ces 55, 75 % sont morts des conséquences de la chimiothérapie.
Or les auteurs sont clairs : il n’y avait pas différence significative entre les groupes sous chimio et sans chimio concernant les infections, car c’est plutôt une conséquence de la leucémie lymphoblatique.
Pourquoi c’est dangereux : faire croire que la chimio provoque la mort, alors qu’au contraire elle permet d’augmenter les chances de survie, c’est plus que dangereux, c’est abject.
À quel moment peut-on se permettre d’utiliser, sans la lire au mieux, en la détournant au pire, une étude concernant la mortalité d’enfants atteints d’une leucémie foudroyante dans le seul et unique but de justifier sa théorie ?
Conclusion
Ici ce ne sont que des exemples. Chaque fois qu’on a pris le temps de lire les publications citées, elles n’avaient que peu, voire pas du tout, à voir avec ce que disait Thierry Casasnovas. Le boulot des Vaxxeuses sur les sources scientifiques de Thierry Casasnovas dans sa série sur les vaccins va aussi dans ce sens.
De notre côté, on dirait qu’il y a 2 hypothèses pouvant raisonnablement expliquer un tel écart entre les sources et les propos : l’incompétence ou la manipulation.
Dans tous les cas, on a pu ici montrer la gravité du discours de Thierry Casasnovas, qui fait courir un danger aux personnes par son omission des contre-indications de la méthode du jeûne; et par leur exposition à des pathologies ou à l’aggravation de leurs maladies par la consommation de jus, tous deux étant des piliers de la méthode RGNR. Pour l’exposition au froid, on vous renvoie vers notre article. L’implication la plus révoltante, bien sûr, étant la perte de chances liée à la peur de la chimiothérapie qu’il diabolise à longueur de vidéos et qu’il se permet en plus d’illustrer sur des cas de cancers pédiatriques.
Alors non, ce n’est pas anecdotique du tout de faire croire que la science soutient des théories qui peuvent mener à la maladie et à la mort.
🐟 Point Bonus 🐠
On peut lire dans la description de la vidéo ci-dessus “Disclaimer : les informations présentées dans cette vidéo sont tirées d’abord d’une synthèse d’ouvrages, d’articles et/ou de publications scientifiques.”. Thierry Casasnovas y cite une étude sortie en 2008 d’un auteur appelé April Meade. Dans l’étude, il est montré que l’huile de poisson, riche en oméga 3, permet de régénérer les follicules capillaires. Cette étude, on la trouve partout sur les sites de santé naturelle.
Vous avez noté que ça lui permet de bien appuyer ses théories : le gras contre l’acidité du corps, les nutriments apportés au cuir chevelu qui compensent la baisse du volume sanguin arrivant au cerveau expliquant la perte de cheveux (LOL).
Sauf que cette fabuleuse étude est sortie un 1er avril, et que c’est une énorme blague ! Pire encore, Thierry Casasnovas en parle comme une source sérieuse dans cette vidéo de 2016, alors qu’on savait depuis déjà plusieurs années que c’était un “April Fool” (poisson d’avril) d’un producteur de compléments alimentaires ! Il suffisait pourtant de chercher April Mead pour trouver rapidement ceci (pour ceux qui lisent l’anglais, comme Thierry Casasnovas par exemple).
One thought on “L’art d’instrumentaliser les publications scientifiques pour manipuler”
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